Dans leur cavité naturelle, les abeilles doivent mettre en place certains mécanismes pour éviter que l’humidité présente au niveau du couvain ne se condense sur les rayons, générant ainsi des problèmes sanitaires.
Comme tout système de déshumidification, la base porte sur le renouvellement de l’air humide par un air plus sec mais comment cela se passe-t-il dans une colonie ? Voici une ébauche de réponse proposée par Roland Sachs et Jurgen Tautz, des chercheurs allemands.
Pour tenter de mieux comprendre le processus utilisé par les abeilles, en 2017 ces deux chercheurs ont mis en place une petite étude au départ d’une ruche se rapprochant un peu d’une ruche naturelle dans un tronc. Dans la ruche naturelle, vu l’exiguïté du lieu et l’ouverture réduite localisée au tiers inférieur de la cavité, les circulations d’air sont vraiment limitées. Pour s’approcher de cette réalité, ils ont utilisé une ruche Dadant-Blatt avec des parois de 4 cm et un plancher fermé, le trou d’envol se limitant à trois trous de 2 cm de diamètre. Au centre du nid à couvain, ils ont placé un cadre équipé de 5 capteurs de température, un au centre et les quatre autres localisés à 7 cm des bords du cadre. Un capteur d’humidité très sensible était également situé au centre du cadre. La prise de mesures s’est faite toutes les 15 secondes d’octobre à mi-novembre. L’objectif de ce test était de voir comment les abeilles étaient capables d’influencer l’humidité relative de l’air au niveau du couvain.
Ils ont pu voir que l’humidité varie de plus de 20 % en l’espace d’une minute avec un cycle de plus au moins 8 à 10 minutes et que la température sur le haut de la ruche ne varie pratiquement pas. Par contre, les capteurs inférieurs peuvent varier de plus 5°C avec un cycle journalier de 3 à 6 h (max 1 à 17 h).
Ce qui est certain, c’est que les variations d’humidité ne peuvent pas être expliquées par les changements de température (fluctuation < 0,5°C enregistrées sur le capteur central). La seule explication possible est l’apport d’un air à même température mais présentant une humidité différente. Les fluctuations régulières de températures mesurées en bord de cadre prouvent que l’air était échangé à cet endroit. Ils ont également pu observer une abeille qui se déplaçait lentement le long du bord du cadre en agitant ses ailes de façon discontinue (sur des intervalles d’une à deux minutes), ce qui a généré très probablement ces variations de température. Les phases des fluctuations de température commencent toujours lentement avec de petites amplitudes et s’atténuent également progressivement. Cela confirme que la ventilation est à l’origine de ces fluctuations.
Sur la base des courbes de température, on peut conclure que l’abeille conserve la direction de son flux d’air lorsqu’elle qu’elle passe le long du bas du rayon de droite à gauche ou de gauche à droite. Lors de son passage de gauche à droite, par exemple, elle est positionnée tête vers le bas et propulse de l’air froid dans l’intercadre à intervalles réguliers. Après un certain temps elle se retourne et se déplace alors de droite à gauche en changeant la direction de la ventilation : l’air chaud sera maintenant expulsé vers l’extérieur du nid à intervalles réguliers.
La figure 2 illustre clairement ce phénomène (voir tangentes créées sur la courbe). Tout d’abord, l’abeille ventile de l’air froid dans l’intercadre lorsqu’elle passe devant le capteur. Si le capteur n’est plus dans sa zone d’influence, la courbe de température reprend son gradient d’origine, mais à un niveau plus froid qu’auparavant. La partie inférieure de l’air a été refroidie considérablement.
Quatre heures plus tard, l’abeille passe à nouveau devant le capteur. Cette fois, la température augmente. L’abeille ventile de l’air chaud vers le bas.
Pour générer un flux d’air montant, les ventilleuses se déplacent dans le tiers latéral des intercadres mais rarement au centre. Les abeilles situées au-dessus de ce point, la structure du rayon et les parois latérales fonctionnent comme des échangeurs de chaleur. Dans un deuxième temps, l’air « sec » est insufflé au centre de la grappe d’abeilles à partir de ce point et/ou par le haut.
On peut observer une perte d’humidité de 45 % (0, 365 l) en 12 minutes, ce qui correspond à un échange de 46 % de l’air situé au niveau du couvain avec de l’air extérieur réchauffé. De deux à huit abeilles par rayon peuvent suffire pour effectuer cette tâche. C’est au vu du petit nombre de ventilleuses que l’on n’a probablement jamais observé ce phénomène auparavant.
Ce comportement permet de transporter activement l’humidité du centre de la grappe d’abeilles vers les zones extérieures de la ruche. Dans le meilleur des cas, l’humidité est ensuite absorbée par le bois environnant par sorption, transportée à l’extérieur à travers le bois par diffusion de la vapeur d’eau ou, dans
le pire des cas, elle se condense sur les éléments structurels de l’habitation et s’écoule vers le bas. Dans les arbres creux, cette méthode de déshumidification présente l’avantage de n’entraîner pratiquement aucune perte de chaleur.
La chaleur n’est pas ventilée à l’extérieur mais reste dans la ruche et remonte au fil du temps.
On peut résumer en disant qu’en plusieurs étapes, les abeilles dirigent de l’air froid « sec » dans le nid, le réchauffent puis l’échangent avec de l’air chaud « humide ». C’est ainsi, que l’humidité relative de l’air à l’intérieur de la grappe d’abeilles est réduite jusqu’à 20 % en quelques minutes sans provoquer de variations de température.
En 2020, les auteurs signalaient cependant que malgré le rôle actif des abeilles, il existe d’autres pistes qui peuvent contribuer à la variation de l’humidité relative au niveau du couvain. La recherche se poursuit et nous devrions en savoir un peu plus prochainement.
Référence :
Sachs Roland, Tautz Juergen (2017) How Bees (Apis Mellifera) Reduce Humidity in the Beehive by
Means of Active Ventilation Research gate 13p https://www.researchgate.net/publication/315083892_How_Bees_Apis_Mellifera_Reduce_Humidity_in_the_Beehive_by_Means_of_Active_Ventilation