Frelon asiatique. État des lieux sur sa distribution et les bonnes pratiques de piégeage, de protection des ruchers et de destruction des nids

Orianne ROLLIN

Le frelon asiatique Vespa Velutina Nigrithorax, a été introduit pour la première fois en Europe en 2004 dans le sud-ouest de la France (département du Lot-et-Garonne). Depuis, ce frelon venu de Chine n’a cessé d’étendre son territoire dans toutes les directions à travers l’Europe. Il figure depuis 2016 sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes de l’Union européenne.

Carte de la distribution de {Vespa velutina} en Europe au 03/02/2021 - ©Q.Rome – <span class="caps">MNHN</span>-<span class="caps">INPN</span> (1)
Carte de la distribution de Vespa velutina en Europe au 03/02/2021
©Q.Rome – MNHN-INPN (1)

Expansion de Vespa velutina en Europe et en Wallonie :

Espèce généraliste, elle s’est très bien acclimatée à nos régions et s’est rapidement répandue tout d’abord à travers la France, puis en colonisant le nord de l’Espagne (2010), le Portugal (2011), le nord-Ouest de l’Italie (2012), mais aussi, plus au Nord, les régions du sud-ouest de l’Allemagne (2014), la Belgique (2016), les Pays-Bas (2017), le Luxembourg (2020) ainsi que l’Angleterre (2016). D’après les observations faites au cours des 15 dernières années, on estime sa vitesse d’expansion à environ 100 km par an.

Colonisation de la Wallonie par {Vespa velutina}. Dernière donnée actualisée le 09/12/2021. Couches des cartes extraites depuis CartoWeb - Colonisation de la Wallonie par <i>Vespa velutina</i>. © Service Public de Wallonie. Dernière donnée actualisée le 09/12/2021. <a href="http://observatoire.biodiversite.wallonie.be/enquetes/frelon/" class='spip_url spip_out auto' rel='nofollow external'>http://observatoire.biodiversite.wallonie.be/enquetes/frelon/</a>. Couches des cartes extraites depuis CartoWeb.be <a href="http://www.ign.be" class='spip_url spip_out auto' rel='nofollow external'>www.ign.be</a>
Colonisation de la Wallonie par Vespa velutina. Dernière donnée actualisée le 09/12/2021. Couches des cartes extraites depuis CartoWeb
Colonisation de la Wallonie par Vespa velutina. © Service Public de Wallonie. Dernière donnée actualisée le 09/12/2021. http://observatoire.biodiversite.wallonie.be/enquetes/frelon/. Couches des cartes extraites depuis CartoWeb.be www.ign.be

Après un premier échec de colonisation en 2011 - 2012, le frelon asiatique est considéré comme véritablement installé en Belgique depuis 2016, suite à une première détection (et destruction par le CRA-W) d’un nid en Wallonie à Guignies (Hainaut) le 20 novembre de cette même année. Depuis, sa prévalence à fortement augmenté, de telle sorte que son aire de répartition inclue désormais toute la Belgique. En Wallonie, les provinces du Hainaut, du Brabant Wallon et de Namur sont particulièrement touchées avec des observations d’individus et des signalements et destructions de nids en forte croissance depuis 2018.

Une telle rapidité d’expansion sur un si large territoire (à savoir 5 fois plus rapide que celle observée après son introduction en Corée du sud en 2003 et au Japon en 2012) pourrait s’expliquer par des conditions environnementales (paysages ouverts, corridors d’invasion tels que les autoroutes, rivières, canaux) et climatiques qui lui sont favorables. Une autre raison pourrait être la très faible compétition que le frelon asiatique rencontre avec d’autres espèces de frelons. En effet, alors qu’en Corée du sud Vespa Nigrithorax est confrontée à 6 autres espèces de frelons, en Europe de l’ouest et notamment en Belgique, une seule espèce endémique est présente : il s’agit du frelon européen Vespa crabro. De plus, les deux espèces ne présentent pas exactement les mêmes préférences d’habitats : alors que Vespa velutina tant à privilégier les zones urbanisées, le frelon européen Vespa crabro est plus inféodé aux milieux agricoles.

Afin de faire face à cette nouvelle espèce invasive, différentes méthodes de lutte et de gestion ont été mises en place au cours des 15 dernières années, notamment en France, premier pays touché. Mais force est de constater que beaucoup de ces essais n’ont pas donné les résultats escomptés. Il est également à noter que certaines actions de lutte faites sans méthodologie sérieuse ni coordination ont montré des effets plus néfastes que bénéfiques pour l’environnement. Afin de limiter ce genre de dérives, il est important de présenter un état des lieux des connaissances et des bonnes pratiques de piégeage, de protection des ruchers et de destruction de nids. Une action coordonnée à l’échelle du territoire est donc indispensable pour lutter efficacement contre Vespa velutina. Certains des nouveaux résultats présentés lors du colloque organisé par l’ITSAP (Institut Technique et Scientifique de l’Abeille et de la Pollinisation) et le MNHN (Muséum National d’Histoires Naturelles) les 8 et 9 novembre dernier sur la « Lutte contre le frelon asiatique » (*voir Section Info) ont été intégrés dans cet article.

Piégeage des frelons asiatiques : qui, où, quand et comment ?

En vue de protéger les cheptels apicoles, de nombreuses techniques ont été développées parmi lesquelles le piégeage, encore majoritairement utilisé. Toutefois, tous les pièges mis en place sur les territoires ne se valent pas. En plus d’une efficacité souvent limitée, certains peuvent être plus impactant pour l’entomofaune locale qu’ils ne sont bénéfiques à réduire les populations de frelons asiatiques… Une mise en place rigoureuse, encadrée et coordonnée à l’échelle territoriale est donc essentielle pour agir le plus efficacement possible contre cette espèce invasive, tout en respectant la biodiversité.

Tout d’abord, il est important de rappeler que la méthode de piégeage sera différente selon la période de l’année considérée et le but recherché : piégeage des fondatrices au printemps (mars à mai) et piégeage des ouvrières pendant la saison (juin à septembre).

Le piégeage de printemps consiste en l’installation de dispositifs de piégeage de masse ciblant la capture des reines/fondatrices pendant la période de fondation des colonies, c’est-à-dire de mars à mai. Cette méthode a pour objectif de réduire les populations de frelons asiatiques à venir en limitant l’implantation des nids à proximité des ruchers ayant connu des difficultés face au frelon asiatique. Elle repose sur un piégeage en continu de début mars lorsque les températures s’adoucissent (entre 12 et 15°) jusqu’à fin mai. L’étude menée par l’ITSAP, le MNHN et l’INRAE d’Avignon préconise de positionner les pièges selon un maillage fin et régulier, dans un cercle de 1 km de rayon autour du rucher ayant été affecté par le frelon asiatique, avec une distance entre chaque piège de 350 m. Les premiers résultats obtenus dans cette étude réalisées sur 4 ans montre qu’un piégeage répété sur plusieurs printemps successifs augmente l’effet sur la régulation des nids (voir la note technique de l’ITSAP relative au piégeage de printemps).

Piège à sélection physique de type «<small class="fine d-inline"> </small>nasse<small class="fine d-inline"> </small>» - Photo de gauche : piège Jabeprode (©Jaberpode) - Photo de droite Red trap (©O.Rollin)
Piège à sélection physique de type « nasse »
Photo de gauche : piège Jabeprode (©Jaberpode) - Photo de droite Red trap (©O.Rollin)

Le piégeage en saison et à l’automne vise principalement la capture des ouvrières et servira à réduire la pression de prédation en cours sur un rucher. Les pièges sont placés directement au niveau des ruchers connaissant des attaques de frelons au cours de la période estivale, c’est à dire entre juin et septembre.

Ensuite, le choix du type de piège et d’appât utilisé est essentiel pour assurer une attractivité maximale selon le type d’individus que l’on souhaite capturer (et la période considérée) tout en limitant au maximum l’impact potentiel sur la biodiversité locale.

Exemple de dispositifs pour la protection des ruchers : (A) muselière grillagée, (B) muselière tube, (C) cabane grillagée - (A) (©Actu api 70 - page 6), (B) ©<span class="caps">AAVO</span>, (C) (©Actu Api 70 - page 7)
Exemple de dispositifs pour la protection des ruchers : (A) muselière grillagée, (B) muselière tube, (C) cabane grillagée
(A) (©Actu api 70 - page 6), (B) ©AAVO, (C) (©Actu Api 70 - page 7)

Quel type de piège ?

Quel que soit la période de piégeage, il est important de privilégier les pièges à sélection physique de type « nasse » (ex. Red trap Belgium, Jabeprode). Ces pièges se composent de grilles latérales permettant aux insectes plus petits que le frelon asiatique de ressortir, et de cônes d’entrée limitant le passage des insectes plus gros tels que le frelon européen, espèce endémique trop souvent victime collatérale des campagnes de piégeage. Les pièges doivent être installés entre 0,50 m et 1,50 m de hauteur, au soleil et de préférence en début de journée.
Les pièges non-sélectifs (ex. type bouteille ou cloche avec liquide pour noyade, glue …) sont à proscrire car ils engendrent la mort de nombreux autres insectes , voire de certains oiseaux dans le cas des pièges à glu.

Quel type d’appât et quand ?
Pour le piégeage de printemps, utilisez un attractif sucré car les fondatrices ont une alimentation majoritairement sucrée à cette période. Les attractifs sucrés solides sont à privilégier et doivent être renouvelés au minimum tous les 8 à 10 jours (en laissant quelques frelons morts à l’intérieur du piège). Pour le piégeage en saison, divers attractifs peuvent être utilisés : sucrés solides (évite la noyade des petits insectes entrés dans le pièges), protéiques (viande, poisson), produits de la ruche (ex. vieille cire).

Attention : ne pas placer de pièges préventifs là où aucune prédation par des frelons asiatiques n’a été relevée ! Vous augmenteriez le risque d’attirer des frelons dans votre rucher et de déclencher de la prédation en raison de l’attractivité de l’appât mis en place, là où vous n’en aviez pas…

Protection des ruchers : réduire le stress des abeilles

Les frelons asiatiques, comme la majorité des hyménoptères du genre Vespa, sont des chasseurs plutôt solitaires bien qu’ils montrent des comportements collaboratifs dans certains cas. Ils peuvent également faire preuve d’une certaine fidélité à leurs sites de chasse, comme l’a établi une étude de capture-marquage-recapture (CMR) sur 360 individus identifiés individuellement par un code couleur unique.
Ainsi, si un rucher est fortement prédaté, le déplacer peut permettre de réduire, voire dans certains cas, de supprimer la prédation par les frelons.
Dans le cas où le rucher ne peut être déplacé dans une zone plus propice, il est nécessaire de mettre en place des dispositifs visant à réduire le stress des abeilles face à la présence des frelons.

La pose de réducteurs de vol :
Ces réducteurs d’entrée (ou « porte anti-frelon ») permettent d’empêcher les ouvrières de frelon asiatique d’entrer dans la ruche. Toutefois, il faut être très attentif lors de leur utilisation. En effet, les réducteurs de vol peuvent empêcher les faux-bourdons, plus gros, de sortir de la ruche (diamètre de 0.5 mm), avec pour conséquence un fort encombrement à l’entrée. L’apiculteur doit donc surveiller avec attention les ruches équipées.

La pose de muselières :
Ces dispositifs permettent d’éloigner les frelons de la planche d’envol d’une trentaine de centimètres et ainsi de réduire efficacement l’impact de la présence des frelons sur l’activité de butinage des abeilles mellifères et la préparation hivernale des colonies. Il en existe différents types : en plastique, verticales en bois, grillagées, opaque avec tuyau d’entrée et de sortie, etc… Lors de l’installation, il faut veiller à ne pas laisser trop d’espace entre la muselière et la ruche (maximum 5.5 mm) afin de ne pas nuire à l’efficacité du dispositif en créant des zones de fuite. Il est recommandé d’utiliser un grillage dont les mailles ont une taille comprise entre 5 et 8 mm. Avec des mailles de 5mm, les frelons ne peuvent pas entrer et l’activité des abeilles se maintient à environ 80 % d’une activité sans frelon ni muselière. Avec des mailles de 8 mm, le passage des ouvrières est plus aisé mais quelques frelons peuvent entrer. Toutefois, ne pouvant ni chasser ni ressortir ils stressent, s’épuisent et finissent par être éliminés par les ouvrières.

L’utilisation de cabanes grillagées :
Il s’agit d’une sorte de muselière géante de type volière. Sa construction est plus complexe et est réalisable uniquement dans le cas de petits ruchers sédentaires.

Localisation et destruction des nids :

La destruction des nids se heurte à 2 difficultés majeures : (i) la nécessaire mais ardue détection préalable des nids, activité extrêmement chronophage et coûteuse selon les outils utilisés (ex. drones, radio-tracking), et (ii) le coût de la destruction elle-même, associé à l’équipement spécifique nécessaire (combinaison, échelle motorisée de type pompier pour l’accès à des nids installés à de grandes hauteurs dans les arbres).

Jusqu’à présent, la destruction des nids de frelons asiatiques en Wallonie était confiée au Centre de Recherches Agronomiques Wallon (CRA-W), qui réalisait cette tache gratuitement sur tout le territoire. Mais la progression rapide et généralisé de Vespa velutina à travers l’ensemble du territoire ne permet plus la prise en charge de telles interventions et de l’ensemble des coûts qui y sont imputés. L’objectif est donc de mettre en place un réseau de professionnels, formés spécialement à cette lutte et équipés du matériel adéquat.

Ce qu’il faut retenir

  • Utiliser des pièges sélectifs de type « nasse »
  • Piéger uniquement sur
  • des ruchers déjà attaqués par
  • des frelons asiatiques
  • - Au printemps (mars-mai) pour les fondatrices avec appât sucré solide
  • - En saison (juin-septembre) pour
  • les ouvrières avec appât sucré solide, protéique ou produits de
  • la ruche
  • Ne pas détruire de nids de frelons asiatiques soi-même mais en référer aux structures en charge (Cellule espèces invasives-SPW)

Références :

  • 1. https://frelonasiatique.mnhn.fr/
  • 2. Darrouzet, Eric. Le frelon asiatique, un redoutable prédateur. Le connaître pour mieux le combattre. SNA Syndicat national d’apiculture, 2019.
  • 3. Thiery, D., O. Bonnard, N. Maher, J. Poidatz, et K. Monceau. « Comportement de prédation du frelon asiatique à pattes jaunes (Vespa velutina) ». Montpellier, France, 2014.
  • 4.Lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina) : piégeage des fondatrices de printemps ; ITSAP-Institut de l’Abeille ; version du 05/02/2021