La Cour de justice européenne [a rendu son jugement le mardi 6 septembre 2011|http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2011-09/cp110079fr.pdf|fr|] :
- les produits de la ruche contaminés par du pollen en provenance de champs d’OGM sont considérés comme des denrées alimentaires produites à partir d’OGM.
- le dilemme est là : sans l’imposition de distances de sécurité entre les ruchers et les cultures OGM, des conséquences existent pour tous les produits apicoles contaminés.
En 2005, la production d’un apiculteur non-professionnel allemand de Bavière, M. Bablok, a été contaminée par du pollen OGM issu de champs de maïs Bt (MON 810), en test dans la region. Or, conformément à la législation européenne (Règlement (CE) n° 1829/2003), tout produit alimentaire contenant du matériel OGM doit passer par un processus d’approbation attestant de sa sécurité sanitaire.
Alors que les champs expérimentaux dans la région avait contaminé ses produits à la fois à travers les toxines et le matériel génétique, M. Bablok a entamé une procédure judiciaire devant la Cour allemande de Justice. C’est sur cette base que la Cour de justice européenne a rendu son jugement :
# Le pollen produit par des cultures OGM retrouvé dans les ruches n’est pas considéré comme un organisme génétiquement modifié (OGM).
# Les produits apicoles qui contiennent du pollen provenant de cultures OGM sont considérés \"produits à partir d’OGM\".
# Tolérance zero concernant la présence de matériel génétiquement modifié dans les produits de consommation.
L’agriculture s’est développée de manière durable pendant de nombreuses années jusqu’à l’arrivée de l’agro-industrialisation. Avec elle, des outils pour contrôler les parasites sont venus tels que les OGM ou les différentes formes d’application des pesticides (semences ou traitements du sol). Cependant, les implications pour notre santé et notre environnement ne sont pas encore claires.
De récentes études scientifiques ont démontré des effets toxiques directs sur le système nerveux des abeilles et d’autres effets toxiques possibles sur les insectes bénéfiques comme les papillons et les coccinelles. Le pollen que M. Bablok a recueilli dans ses ruches contenait à la fois du matériel génétique provenant de maïs OGM et des toxines Bt (aux propriétés insecticides). Par conséquent, en dehors du problème que cela peut représenter pour les consommateurs, ce pollen peut entraîner des effets toxiques pour les abeilles et les autres êtres vivants.
Les yeux du public sont demeurés fermés pendant plusieurs années face au problème de la coexistence entre l’utilisation de cultures génétiquement modifiées et l’agriculture traditionnelle. Les conséquences de cette coexistence sont maintenant avérées pour l’apiculture, le secteur de l’agriculture déterminant pour la pollinisation d’une grande partie des autres produits agricoles.
Les abeilles visitent les fleurs à la recherche de sources de nectar et de pollen à partir desquels les insectes font le miel et le pollen que nous consommons. Il est impossible de limiter les zones de butinage, et, comme la production de cultures OGM en Europe et dans le monde augmente, il est impossible de contrôler la présence de matériel OGM dans les produits.
En Europe, cependant, il est encore possible d’éviter ce problème parce que les zones plantées en OGM restent minoritaires (en Bulgarie, Roumanie et Espagne), en dépit des soupçons portant sur de nombreuses cultures OGM non autorisées dans certains états membres de l’UE. La situation n’est pas si encourageante dans d’autres pays comme les Etats-Unis, le Canada, la Chine, l’Argentine, le Brésil ou l’Inde.
Les conséquences pour le marché sont indéniables et proches du désastre pour la production apicole et, par conséquent, pour l’ensemble de l’agriculture.
Le secteur apicole sera clairement endommagé. De produits précieux pour leurs bénéfices sur la santé et le bien-être, les produits de la ruche vont finir par devenir dangereux pour la santé des consommateurs. Les apiculteurs, incapables de contrôler où leurs abeilles butinent, seront obligés de prouver que leurs produits n’ont pas été contaminés par des OGM. Les analyses nécessaires pour certifier que les produits sont \"sans OGM\" impliquent pour les petits et gros apiculteurs des coûts énormes. Ce sera exclure du marché la majorité des 600.000 apiculteurs d’Europe, les petits producteurs incapables de faire face à de tels coûts. Situation injuste s’il en est.
Les apiculteurs qui pourront rester en activité, malgré les frais de la certification “sans OGM\" élèveront considérablement leurs coûts de production et, par conséquent, le prix des produits pour les consommateurs.
Au cas où le résultat des analyses serait positif et montrerait la présence d’OGM, les apiculteurs (alors qu’ils ne sont pas responsables et ne peuvent en aucune manière éviter la contamination), devraient commercialiser leurs produits avec le label \"produit à partir d’OGM\". Cela conduira automatiquement à une dégradation considérable du secteur économique apicole.
Sur le marché de l’UE, 40% du miel consommé est importé et les pays de l’UE mentionnés où les OGM sont produits représentent au moins 20% de la production du miel de l’Union. La décision de la Cour de justice implique le retrait du marché européen d’environ 50 à 60% du miel et une hausse des prix insoutenable pour le consommateur moyen. C’est probablement un coup fatal porté à l’ensemble du marché des produits de l’apiculture en Europe car ils vont cesser d’être un produit de consommation courante pour le citoyen lambda.
L’avis de la Cour de justice européenne a été clair en posant cette terrible équation :
__Pollen OGM dans les produits agricoles = fin des produits apicoles.__
Il est grand temps pour les consommateurs européens et les hommes politiques de prendre une décision : les OGM ou les abeilles ?