Bilan 2022, une année au climat record : chaude, sèche et ensoleillée

Carine Massaux, Orianne Rollin et Victor Herman

Les conditions climatiques ont encore atteint des extrêmes. Après une année froide et humide en 2021, l’apiculteur a dû s’adapter à des conditions climatiques chaudes et très sèches en 2022.

Des miellées généreuses ont été enregistrées au printemps, suivies en été par des miellées proches de la moyenne. Le résultat global des récoltes de miel sur l’année 2022 a été considéré comme très satisfaisant par la plupart des apiculteurs.

Climat en 2022

Sur base des mesures enregistrées à Uccle (Bruxelles), l’Institut Royal Météorologique (IRM) qualifie 2022 d’année la plus chaude (avec 2020) depuis le début des observations en 1833, ainsi que de quatrième année la plus sèche et de deuxième année la plus ensoleillée de la période de référence actuelle (Fig. 1).

Plus précisément, le printemps 2022 a globalement été chaud, sec et ensoleillé. Les mois de mars et avril ont été très secs, suivis par une fin mai plus humide qui a heureusement permis une brève reprise de la végétation et donc de la production de nectar par les plantes. Ce printemps 2022 reste néanmoins un des plus secs enregistrés par l’IRM depuis 1833, avec un nouveau record absolu en faibles quantités de précipitations pour le mois de mars. Au niveau des températures, le printemps dans son ensemble a été plus chaud que la moyenne : 11,3°C (normale à 10,5°C), et les trois mois du printemps ont tous été plus ensoleillés que la moyenne, avec un nouveau record absolu pour le mois de mars également.

Ce printemps sec a ensuite été suivi par un été chaud, ensoleillé et extrêmement sec en terme de précipitations. Depuis 1833, jamais auparavant il n’était tombé aussi peu de précipitations pendant les mois de juillet et août. Boosté par un mois d’août très chaud, l’été 2022 a également été beaucoup plus chaud que la normale : 19,6°C (normale à 17,9°C et record absolu à 19,9°C en 2018). De plus, le soleil a brillé tous les jours à Uccle.

Nous n’avons pas enregistré un seul jour d’été avec un ciel nuageux, fait assez rare à signaler pour notre Belgique réputée nuageuse et pluvieuse. Ces conditions ont mis à rude épreuve notre végétation, d’habitude verdoyante et abondante. Et sans apport d’eau supplémentaire, les bandes fleuries ont eu bien du mal à se développer cette année.

Données des balances

Ces données climatiques publiées par l’IRM se reflètent bien au niveau des différents ruchers suivis par notre réseau de balances. Par exemple, pour la balance de Doische (sud de la province de Namur), dont les données enregistrées en 2022 sont présentées en figure 2, nous observons que les températures sont très vite supérieures à la limite des 15°C favorables au butinage. La température maximale (courbe violette) dépasse déjà les 15°C pendant quelques jours fin mars. Puis, dès le 11 avril, commence une longue période sans précipitation et sous des températures favorables, permettant d’excellentes miellées de printemps. Fin mai-début juin, les rentrées sont ensuite ralenties en raison de quelques jours de pluie accompagnés d’un rafraîchissement des températures. À partir du 10 juin, les récoltes reprennent, induites par une remontée des températures et très peu de précipitations. Elles sont cependant rapidement freinées dès la fin juin suite au manque de ressources à butiner.

Les variations de poids enregistrées en 2022 par les balances en fonction de leur localisation sont présentées en figure 3 (balances CAPAZ) et en figure 4 (CBK). Comme en 2020 (année très sèche également), de grandes disparités sont observées dans les prises de poids entre les différents ruchers. Ces différences s’expliquent en partie par un effet colonie, mais aussi par un effet régional induit par des conditions climatiques, et notamment des sécheresses plus ou moins poussées.

En région wallonne, les précipitations les plus faibles de 2022 sont enregistrées dans la région du Borinage (environ 35 % de la normale) tandis que les plus importantes sont tombées dans la région de la Gileppe et de la Warche (environ 55 % de la normale), deux rivières situées en province de Liège, à l’est de la Belgique. En adéquation avec ces observations, on remarque que les provinces du Hainaut et du Brabant sont globalement associées à des rentrées inférieures de miels, ce qui illustre bien l’importance de l’humidité du sol pour permettre des miellées abondantes (Fig. 4). Le climat extrêmement chaud, sec et ensoleillé de 2022 a très vite placé les plantes en situation de stress hydrique, rendant le nectar moins abondant et plus difficile à récolter. Les régions davantage boisées de l’est de la Wallonie, ou plus riches en prairies avec des sols lourds et argileux, ont néanmoins permis de conserver davantage l’humidité.

Sur la figure 5, sont présentées les variations de poids basées sur les moyennes de l’ensemble des balances enregistrées par année, avec en rouge l’année 2022. Nous observons que les miellées ont débuté très tôt en 2022, plus tôt que la plupart des années précédentes.

Le printemps exceptionnel a permis une floraison précoce des plantes. Ces conditions chaudes et sèches se sont poursuivies durant tout le printemps, encourageant des rentrées copieuses de mi-avril à mi-mai.

Le trou de miellée, période comprise entre les miellées de printemps et d’été, est bien présent cette année durant la seconde quinzaine de mai et se poursuit début juin. Au cours de cette période, moins de fleurs ont été disponibles et un rafraîchissement des températures accompagné de quelques précipitations a été enregistré, ne favorisant pas la sortie des abeilles.

La miellée d’été a ensuite rapidement débuté et une montée progressive et continue du poids est enregistrée jusqu’à fin juin. La sécheresse et la chaleur ont cependant imposé très vite la fin des récoltes, par manque de ressources à butiner.

Concernant la miellée d’été, les nectars de ronces et de trèfles sont fortement dominants dans tous les miels de nos régions. Le nectar de troènes (Ligustrum sp.), reconnaissable à ses arômes fruités typiques de cassis, est aussi présent en milieux urbain et péri-urbain. À l’opposé, en raison de la sécheresse trop poussée, les nectars de châtaignier et de tilleul sont absents dans les miels de cette année. Le châtaignier a néanmoins été largement visité pour son pollen, ce qui explique la présence fréquente de cette espèce lors des analyses polliniques réalisées par notre laboratoire.

Concernant le prix de vente 2022 des miels produits en régions wallonne et bruxelloise, le prix du miel au détail est en augmentation constante depuis 2002 et a doublé entre 1999 et 2022 (Fig. 8).

Pour le prix de vente du miel en gros et du miel en vrac, des tendances similaires ont également été observées, bien que nous ayons pu noter une légère baisse du prix en vrac au cours de l’année 2020. Toutefois, les informations pour le prix du miel en vrac sont à interpréter avec prudence car généralement peu d’apiculteurs nous font un retour sur ce mode de vente (2 à 4 apiculteurs sur la cinquantaine d’enquêtes reçues, contre une quarantaine pour la vente au détail par exemple).

Impact sur les colonies

Lors du recensement réalisé par Sciensano, 9056 apiculteurs étaient enregistrés en Belgique au moment du prélèvement, dont environ 5400 en Flandre, 3500 en Wallonie et 200 à Bruxelles.

Après une mortalité assez stable durant les 3 dernières années, on relève une légère augmentation en 2022. Pour la saison 2021-2022, les taux de mortalité ont été les suivants :
• Mortalité hivernale : 24,6 % (95 % IC : 16,3 - 33,0)
• Mortalité saisonnière : 5,08 % (95 % IC : 2,86 - 7,29)
• Mortalité annuelle : 21,86 % (95 % IC : 17,61 - 26,11)

Cette augmentation est particulièrement marquée en ce qui concerne les pertes hivernales en Flandre (36,3 % en 2022 contre 21,62 % en 2021) et à Bruxelles (17,4 % en 2022 contre 4,26 % en 2021), alors qu’à l’inverse, les pertes hivernales observées en Wallonie présentent une tendance à la baisse (10,3 % en 2022 contre 15,54 % en 2021).

Le détail des chiffres de la mortalité hivernale à l’échelle de la Belgique et par province pour la saison 2021-22, ainsi que les causes potentielles de ces pertes, sont présentés dans ce numéro dans l’article de Louis Hautier et Gilles San Martin (pages 11-13) sur les résultats de l’enquête COLOSS 2022.

Certainement en raison des conditions climatiques aléatoires impactant directement la production de miel et la survie des colonies, nous observons une tendance à la baisse depuis 2019 pour le nombre moyen de colonies par rucher : en moyenne 18,3 colonies par rucher sur la saison en 2019 contre 15,1 en 2022 (Fig. 9).

En conclusion

L’année 2022 a été très satisfaisante pour la majorité des apiculteurs. Les conditions climatiques ont été favorables à la sortie des abeilles, donnant l’opportunité aux apiculteurs de réaliser de belles récoltes. Vous êtes nombreux à avoir atteint des records pour la miellée de printemps, suivie par une miellée d’été proche de la moyenne. Les rentrées d’été se sont en effet rapidement arrêtées suite au manque de ressources en lien avec les conditions de sécheresse, variant légèrement selon les régions.

Bien que le nombre total d’apiculteurs soit en augmentation, il semblerait que le nombre de colonies par rucher tende à diminuer, soit en raison des pertes enregistrées, soit par volonté des apiculteurs, par exemple pour diversifier les emplacements afin de pallier aux variations fortes de ressources localement suite aux aléas climatiques.

Il nous reste à vous souhaiter une belle récolte 2023, sous un climat propice permettant à la nature d’offrir de généreuses ressources aux abeilles et autres pollinisateurs.